Sur le Slow Tourisme Lab en 2025

Sur le Slow Tourisme Lab en 2025

 

Le Slow Tourisme Lab a été créé en 2016 porté par l’Agence Départementale du
Touris
me de l’Aube, la Technopole de l’Aube et YSchools. Il a été le premier incubateur de startup et d’entreprises souhaitant innover dans le tourisme durable dans le réseau France Tourisme Lab.

Ce début d’année 2025 est l’occasion d’un retour sur ces huit années d’histoire et d’actions et de se pencher sur les enjeux de l’année à venir, avec Christelle Taillardat, directrice générale d’Aube en Champagne attractivité et fondatrice du Slow Tourisme Lab

 

 

 

Quelles ont été les principales raisons de la création du Slow Tourisme Lab en 2016 et sa labellisation par le réseau France Tourisme Lab en 2017 ?

 

Il y a une dizaine d’années, le monde du tourisme découvrait la question de l’innovation. Avec le lancement en 2013 du Welcome City Lab, premier incubateur au monde dédié au tourisme urbain, un nouveau modèle d’accompagnement des startup et des projets était lancé et allait s’imposer dans les années suivantes dans plusieurs territoires français. Mais aussi, par exemple, au Québec à Montréal avec le MT Lab.

Cela faisait quelques années, entre 2012 et 2015, que l’Agence départementale du tourisme de l’Aube faisait appel à des startup issues d’autres secteurs que le tourisme pour lancer des petits projets d’innovation (on dirait aujourd’hui des POC), par exemple pour voir les hôtels disponibles sur le territoire du département grâce à un QR code.

C’est alors que nous avons eu l’idée, soutenue par l’exécutif départemental, de réunir des startup du numérique et du développement durable pour imaginer le tourisme dans des zones sans valeurs touristiques habituelles, notamment les espaces ruraux échappant à la notion habituellement admise de « touristicité ». En dehors de la ville de Troyes, qui accueille une technopole depuis 1996, l’Aube apparaissait assez éloignée des dynamiques d’innovation touristique. Nous avons eu l’intuition que certains des projets non retenus par le Welcome City Lab auraient pu s’adapter à notre territoire. C’est alors que le ministère de l’économie a lancé l’idée de la création d’un réseau national d’incubateurs dédié à l’innovation touristique en lançant un appel à projet au niveau territorial.

Le département de l’Aube a candidaté en premier sur le sujet du « slow tourisme. Je crois que nous avons convaincu. Notre projet le comité d’audition réuni à la fois par la dimension territoriale de notre approche mais aussi par les valeurs que nous portions. Une approche territoriale affirmée par la nécessité faite à tout porteur de projet identifié de s’implanter dans l’Aube ou d’y co-financemer un POC (« proof of concept »). Et des valeurs sans doute originales par notre volonté de revenir aux valeurs originelles et fondamentales de l’attractivité d’un territoire rural en travaillant sur les valeurs portées par ses « habitants », par la plongée dans les « grands espaces » ou le « retour aux racines ».

Ces valeurs semblent presque banales aujourd’hui dans le monde post-Covid qui est le nôtre. Elles correspondent aux valeurs du « luxe », le luxe de prendre le temps de la ruralité. Dans l’idée, dès le début, nous pensions que pour exister dans milieu du tourisme, il ne suffisait pas de vanter des valeurs répondant à un business immédiatement évaluable par exemple par un nombre précis de nuitées. Mais par un ensemble de critères, un « écosystème durable », s’appuyant sur une forte capacité d’innovation numérique qui rendrait visibles et connectées des offres symboles d’un tourisme plus proche d’une réalité territoriale rurale. Ce que le Gers avait promu quelques années auparavant après le succès du film « Le Bonheur est dans le pré ».

Huit ans plus tard, quel bilan peux-tu dresser de l’action du Slow Tourisme Lab ? A quelles difficultés avez-vous été confrontés ? Quelles ont été les principales étapes de son évolution et son positionnement ?

 

Le modèle a profondément évolué en huit ans. Nous avons commencé, comme tous les lauréats du réseau France Tourisme Lab, par un accompagnement spécifique de startup et de projets individuels d’entreprises. Cela nous a porté jusqu’au Covid.  Puis nous nous sommes tournés vers un modèle d’écosystème duplicable et à l’échelle d’un territoire. Le Slow Tourisme Lab est devenu une plateforme d’innovation qui s’intéresse à une sphère, promouvant et soutenant des dynamiques collectives.

Concrètement, notre accompagnement des entreprises jusqu’au Covid, a permis de révéler une centaine de projets. Puis nous avons lancé des concours d’idées avec l’obligation de sourcer et travailler avec d’autres acteurs du territoire aubois. Nous avons ainsi aidé à développer et soutenu à chaque appel une trentaine de projets soutenus. Les sujets ont été variés, allant de visites théâtralisées (Château de Vaux, Clairvaux), à des fermes pédagogiques ou aménagement ludique de lieu (Moulin de Dosches), etc. Aujourd’hui, notre action consiste à soutenir des écosystèmes, à créer un modèle « correct » d’acceptation du tourisme dans le monde rural et aider à l’essaimer. L’un des défis révélés par la période post-Covid à consister à réhabiliter le tourisme comme un élément central des dynamiques locales et de création de nouveaux modèles économiques comme de liens sociaux. Nous travaillons beaucoup sur de nouveaux critères d’évaluation (les fameux KPI) fondés sur de nouveaux critères d’efficacité.

 

Comment le Slow Tourisme Lab se situe parmi les acteurs de la Région Grand-Est ? Et parmi le réseau des plateformes d’innovation de France Tourisme Lab ?

 

La Région Grand-Est manifeste un intérêt certain pour le « slow tourisme ». Notre Région connait différentes réalités touristiques. D’un côté, des territoires très touristiques comme en Alsace où les acteurs sont notamment confrontés à un défi particulier, celui de la dissémination du tourisme à l’échelle de territoires ou micro-territoires moins ou peu visités. Cela pose des questions en matière de mobilité, d’hébergement, d’activités, etc. La Vallée de la Bruche en est un excellent exemple. D’un autre côté, des territoires régionaux, comme la Meuse ou la Haute-Marne, disposent d’agence qui travaillent sur l’attractivité résidentielle ou économique mais n’ont guère de moyens d’investir dans le slow tourisme. Cette frugalité les contraint. Elle nous oblige à être imaginatifs et proposer des modèles touristiques économes à l’échelle des ressources principales de ces territoires ruraux qui sont leurs patrimoines naturels et leurs habitants.

Le GEIE « Destination Ardenne » (Groupement Européen d’Intérêt Économique) fondé en 2014 permet de développer des dynamiques spécifiques en lien avec d’autres territoires belges ou luxembourgeois. Le Slow Tourisme Lab est associé au projet « Ardenne Tourisme Lab » (ATLab), une démarche d’innovation ouverte, pour faire de la destination Ardenne une destination ouverte, durable et innovante. Notre expertise « slow » va permettre d’y développer un « écosystème » vertueux. 

Quels sont les principaux enjeux que tu identifies pour le Slow Tourisme Lab pour les années à venir ?

 

A mes yeux, trois principaux enjeux se proposent à nous.

Le premier est un peu notre marque de fabrique depuis huit ans mais évolue en permanence. Le « slow tourisme », c’est d’abord valoriser des territoires qui ont peut-être l’air moins attractifs mais qui répondent à la nécessité de déconnexion à la nature, de prendre le temps, de redécouvrir l’essence même de l’existence. C’est notre essence et notre moteur depuis toujours, un carburant bien entendu « bio »…

Le deuxième est à mon sens aujourd’hui incontournable : la maitrise du risque climatique des lieux, des sites et des destinations touristiques. La question par exemple du « manque d’eau » en période estivale va être de plus en plus présente. Le « slow tourisme » propose une autre manière de consommer en périodes d’extrémités climatiques. C’est vrai en cas de sécheresse ou d’inondation. Nous devons progresser collectivement, c’est une urgence et une nécessité.

Le dernier est celui, comme pour tout secteur économique, de l’IA. Notre terrain d’exercice, la ruralité est un système complexe forcément collaboratif. L’IA devrait permettre de mieux identifier où sont les ressources, de modéliser cette complexité, en prenant en compte de nombreuses données sociologiques et sociétales mais aussi des données spécifiques au monde du tourisme comme les lieux d’hébergement (y compris chez l’habitant), la restauration en circuit court (où peut-on manger chaud le soir, localisation précise, « drive » fermiers, etc.) ou bien les lieux évènementiels temporaires (activités pédagogiques, rencontres avec les habitants, etc.). L’IA doit être capable de « démondialiser » les zones rurales et de proposer des modèles nouveaux de connaissance d’un territoire permettant d’aider à localiser, ou à relocaliser, l’économie circulaire. Le Slow Tourisme Lab pourrait évidemment en initier.

Il va de soi que toute l’équipe du Slow Tourisme Lab se tient prête pour aider les destinations intéressées. Et contribuer à l’émergence d’écosystèmes dans de nombreux territoires ruraux. Parce que nous sommes certains que la ruralité est la destination touristique du futur !