
11 Fév Les Petites Cités de Caractère®: ces actrices du « slow tourisme »
Les Petites Cités de Caractère® : un concept unique
Les Petites Cités de Caractère® (PCC) ne sont pas très connues dans le milieu touristique. Pourtant, elles pourraient inspirer de nombreux acteurs du tourisme en France, voire susciter quelques rapprochements. Nées au milieu des années 70, les PCC ont pour objectif de valoriser des communes atypiques, à la fois rurales et peuplées, et de contribuer à la sauvegarde de leur patrimoine. Ces petites cités sont souvent d’anciens centres administratifs, politiques, religieux, commerciaux ou militaires, qui ont vu leurs fonctions urbaines se réduire après les révolutions administratives et industrielles de la France. Un premier réseau des PCC est créé en Bretagne en 1975 à l’occasion de l’année européenne du patrimoine architectural. Plusieurs associations sont ensuite lancées dans les années suivantes, dans l’ouest et le centre de la France comme dans les Pays de la Loire. La création d’une confédération nationale est annoncée lors des assises nationales des « Petites Cités de Caractère® », tenues en février 2007. L’association ainsi créée, Petites Cités de Caractère® de France, vise à accompagner les politiques municipales de valorisation du patrimoine, puissant moteur d’intégration et de lien social et levier efficace de développement des territoires.
Qu’est-ce au juste qu’une PCC ? C’est d’abord une commune ou une agglomération de moins de 6.000 habitants, soumise à une protection au titre des Monuments Historiques ou d’un Site Patrimonial Remarquable qui possède un bâti suffisamment dense pour lui donner l’aspect d’une cité et détenir un patrimoine architectural de qualité et homogène, témoin de son histoire. C’est ensuite une commune ou une agglomération ayant un programme pluriannuel de restauration et de réhabilitation du patrimoine bâti et de mise en valeur des patrimoines matériels et immatériels. Mais c’est aussi une commune ou une agglomération qui s’inscrit dans la stratégie de développement touristique de son territoire.
La démarche des PCC s’appuie sur quelques fondements originels. Elle repose sur une Charte de Qualité qui édicte des engagements en faveur de la sauvegarde, de la restauration et de l’entretien du patrimoine communal, ainsi que de la mise en valeur, de l’animation et de la promotion auprès des habitants et des visiteurs. Elle est organisée en réseaux à une échelle pertinente de territoire (départementale ou régionale) qui permet la mutualisation de moyens d’actions et notamment des partenariats d’action avec les acteurs locaux de l’économie et du tourisme, du patrimoine et de la culture, de l’aménagement du territoire (directions régionales des affaires culturelles ; services territoriaux de l’architecture et du patrimoine ; conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement ; comités régionaux ou départementaux du tourisme ; offices de tourisme ; villes et pays d’art et d’histoire, etc.).


Une méthodologie de concertation qui pourrait inspirer les acteurs touristiques
Parmi les engagements des communes qui deviennent PCC, outre l’entretien et la valorisation de l’espace public, du bâti public comme du bâti privé, il convient d’insister sur le récit et le regard touristique propre à chacune d’entre elles. C’est ce que confirme Laurent Mazurier, directeur des Petites Cités de Caractère®. Géographe spécialisé dans la ruralité et le tourisme, Laurent Mazurier dirige depuis plus de dix ans l’association nationale, ou fédération des 255 communes membres. Le tourisme n’est pas abordé frontalement par la méthodologie des PCC. Mais le tourisme apparait de façon transverse et quasi permanente. La première approche est patrimoniale parce qu’au départ, précise Laurent Mazurier, « on travaille sur une typologie de communes qui ne veulent pas être touristiques ». La marque PCC n’est pas identifiée comme un marqueur touristique à la différence de labels sans doute plus (Plus beaux villages de France ou Villes et villages fleuris). Car le sujet abordé par les PCC est celui de l’attractivité. Les élus veulent des communes attractives, ils cherchent à attirer des habitants, des services en travaillant sur la valorisation du patrimoine, l’accueil du public et l’animation locale. Quel meilleur moyen que d’attirer des visiteurs et des excursionnistes ?
La méthodologie des PCC prend le parti de « raconter la cité sans créer du factice, dans toutes ses dimensions, ses cultures, ses spécifiés, ses singularités ». L’ensemble de ces approches est traduit dans un récit, puis dans une randonnée urbaine qui va raconter l’histoire, les patrimoines, les habitants. Puis ce récit peut s’incarner dans des manifestations partenariales et des communications qui vont « mettre au centre la qualité de vie au quotidien », à savoir le marché, l’artisan d’art, la rencontre avec un savoir-faire, une table avec des produits locaux, etc. Dans le fond, les PCC auraient tendance à se servir du tourisme pour développer l’attractivité, pour aider les visiteurs à se projeter vers une implantation. C’est dans cette démarche que des curseurs sont poussés pour améliorer la qualité des conditions de vie. « Les PCC améliorent les services, travaillent sur un environnement soigné, l’achalandage du marché, les bonnes tables, etc. ». Mais également avec un travail sur les pépites, les dimensions humaines des cités (vantées ou garanties parfois sans écran, ni voiture). Les PCC promettent une autre relation au temps et à l’espace, une immersion et un partage. Elles laissent présager une découverte rurale expérientielle fondée principalement sur l’humain, comme l’a pratiquée le département des Deux Sèvres avec les communes de Mauléon, Saint-Loup-Lamairé, Airvault, Oiron, Celle-sur-Belle, Melle, Coulon, Arçais, La Mothe-Saint-Héray et Chef-Boutonne.
Les Petites Cités de Caractère® disposent d’une Stratégie touristique pour la période 2024-2029
La mise en tourisme des cités est un objectif qui se situe au cœur de la charte des associations Petites Cités de Caractère® et ce depuis sa création. Les PCC se révèlent à travers des randonnées urbaines qui proposent de flâner et déambuler dans un cadre historique remarquable. Avec une approche très inclusive, une double promesse est faite au visiteur : une expérience de tourisme culturel et durable, et une immersion le temps d’une visite dans cet art de vivre « à la Française », baigné de culture et de patrimoines.
Sa stratégie touristique 2024-2029, « de la valorisation des patrimoines à un tourisme culturel durable » détaille un certain nombre d’actions en la matière :
- engager une transition durable génératrice de retombées économiques dans les territoires
- impliquer les habitants pour faciliter la cohabitation résidents / touristes
- maîtriser les flux pour adapter les fréquentations aux capacités d’accueil des cités
- s’inscrire dans les préceptes des droits culturels (qui contribuent à la réduction de la fracture territoriale et font de la participation citoyenne un vecteur de qualité et de renouvellement des politiques publiques culturelles) dans la mise en œuvre du développement touristique
- soutenir le développement d’une offre différenciante (savoir-faire, gastronomie et œnotourisme, événements de caractère…)
- mesurer et réduire l’impact de la fréquentation touristique sur les ressources locales (énergie, eau, déchets…) et préserver l’habitabilité de la cité.
Cette stratégie constitue « un cap, un progrès et un projet » selon Laurent Mazurier. Les PCC doivent regarder avec l’œil du « parcours visiteur ». Les PCC deviennent des étapes importantes d’itinérance. Les espaces ruraux sont des lieux de brassage de populations, contrairement aux images reçues et aux images souvent véhiculées. Les espaces ruraux ne sont pas des lieux d’effondrement mais bien de régénérescence. Qui entrent en échos avec l’évolution des formes de travail et des conditions de vie. Les congés changent, les loisirs également. Les PCC, comme les espaces ruraux alentours, peuvent répondre parfaitement à la nécessaire diversification des offres. Des gens viennent s’installer, d’autres y reviennent. Pour Laurent Mazurier, « l’enjeu pour la ruralité consiste à concilier performances des prix et qualités des offres ». Surtout dans une société pour qui le tourisme pour tous répond à des formes gratuites. Les modèles économiques sont fragiles et sans doute à inventer ou réinventer. Parce qu’il existe une capacité à investir dans la ruralité.


Les Petites Cités de Caractère® aspirent à devenir actrices du « slow tourisme »…
Ce modèle répond aux normes du « slow tourisme », même si pour Laurent Mazurier, cela relève principalement d’une « discussion de sachant ». L’une des portes d’entrées des PCC, c’est la recherche des visiteurs qui veulent un autre rapport à l’espace et au temps. Qui veulent prendre le temps de privilégier la qualité de la rencontre. Les randonnées dans les PCC peuvent constituer des étapes dans des itinéraires plus larges (sentiers de grande randonnée, voies vertes, vélos routes, etc.). L’accompagnement des PCC doit porter sur un outil de diagnostic avec un focus tourisme particulier (un travail sur des indicateurs est effectué) à l’image de ce qui se fait en région Pays de la Loire où est dressé un état des lieux des points noirs patrimoniaux. « Gardons à l’esprit que les PCC ne sont pas là pour générer du flux mais plutôt pour que la collectivité tienne ses promesses » poursuit Laurent Mazurier. Notamment en sensibilisant les personnes amenées à rencontrer les visiteurs, en mobilisant les Offices de tourisme comme relais de programmes, en coordonnant l’initiative des « dimanches de caractères » qui allient accueil par les habitants découverte des patrimoines bâti, naturel et immatériel, dégustation de produits de terroir, etc. Les PCC prétendent jouer ce rôle de coordination de ces initiatives locales, douces, centrées sur le patrimoine et l’humain. Même s’il s’avère complexe de mettre en place gratuitement cette singulière méthodologie territoriale. Les PCC mènent un travail d’audit de la mesure et de performance touristique en région Grand-Est avec une startup selon une approche sensitive du tourisme et des visiteurs, et non pas fondée sur une analyse de flux.
Les PCC sont membres du Pôle campagne d’Atout France. Elles y défendent l’idée de leur approche de projets de communes qui associe les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les offices de tourisme. « A travers la découverte de la commune on découvre le territoire » analyse Laurent Mazurier en prenant l’exemple de la région Centre Val de Loire. « Les PCC sont des portes d’entrée pour l’ensemble de la destination, elles permettent d’aborder les enjeux du territoire, y compris selon les angles qui passionnent leurs visiteurs comme les ressources naturelles ou l’agriculture ». C’est avec ce regard singulier que les PCC sont prêtes à revendiquer une place dans le tourisme soutenable en milieu rural. Aujourd’hui, les PCC sont organisées en huit associations régionales. « Cinq régions manquent à l’appel ainsi que dans les territoires ultramarins » précise Laurent Mazurier. Dans ces derniers, ce qui fait patrimoine peut être très différent de ce que l’on connait en métropole. La démarche des PCC et son accompagnement sont la fois un outil, une démarche de protection mais aussi l’occasion de repenser le rapport au vivant, au naturel, au bâti. « La vision française patrimoniale, très centrée sur bâti, n’est pas universelle ». Les Japonais sont plus enclins par exemple à travailler sur les savoir-faire. Les PCC permettent de faire un pas de côté et de se pencher sur l’âme d’un lieu, son caractère unique.
Les Petites Cités de Caractère® ont de l’avenir avec un objectif à terme de fédérer 400 communes environ. Un avenir empreint d’une relation intime aux territoires, d’un art de voyager tout en prenant son temps, d’une rencontre privilégiée avec les habitants. Une démarche qui rejoint celle défendue par le Slow Tourisme Lab. Parce que les communes rurales sont les destinations touristiques du futur !
Prochain article : le 4 mars 2024