Clermont Auvergne Volcans, exemple de stratégie Slow tourisme ?

Clermont Auvergne Volcans, exemple de stratégie Slow tourisme ?

« Prendre le temps »…

 

Il y a quelque temps, je suis allé animer une rencontre entre acteurs touristiques en Auvergne. J’ai toujours aimé cette terre singulière, ces reliefs arrondis dont Alexandre Vialatte, l’un des écrivains du cru, écrivit un jour qu’ils étaient « romans » pendant que ceux des Alpes étaient « baroques ». Cette terre singulière fut présentée par sa capitale, Clermont-Ferrand, au titre de la candidature à la capitale européenne de la culture 2028 avec un dossier « la Terre du Milieu »  à la fois évidence géographique et évidence culturelle, retissant des liens entre une métropole et sa proximité rurale. Le dossier présentait avec pertinence « une Capitale européenne de la culture solidaire de ses territoires ». Une relation intime entre l’urbain et la ruralité, entre des espaces en pleine recomposition, entre une ville, Clermont-Ferrand, au passé de ville productive et un « hinterland », ce Massif central, dont « les habitants sont fiers, mais qui se sentent parfois à l’écart du reste du monde ».

Si la candidature n’a pas été retenue, j’en conserve une vraie affection pour la démarche, sorte de pont entre l’ensemble de ces espaces réputés parfois éloignés des centralités importantes, un lien entre des territoires ruraux et urbains, un trait d’union entre ses habitants qui souhaitaient « réapprendre à faire ensemble » et à fonder de nouveaux imaginaires centrés sur l’hospitalité et la joie de partager des expériences. C’est d’ailleurs par ces imaginaires différents que l’Auvergne avait tenté durant la décennie précédente d’apparaitre comme un « nouveau monde », une terre de grands espaces à la française. Au fil des rencontres et des échanges auvergnats, notamment avec mes amis Vincent Garnier et Jean Pinard, j’ai compris que le Massif Central apparait comme une véritable destination de « slow tourisme ». Née de la fusion, de deux organismes touristiques limitrophes et complémentaires (Clermont Auvergne Tourisme et Mond’Arverne Tourisme), Clermont Auvergne Volcans, la Société publique locale, présente depuis sa création en 2024 une stratégie « slow ». Qui répond au slogan « Prendre le temps » !

Un capital touristique auvergnat ferment d’un « slow tourisme »       

 

Il n’en fallait pas davantage pour prendre contact avec la SPL et comprendre les ressorts d’une telle mise en œuvre à l’échelle de la destination. Pour comprendre la destination, il convient d’abord d’en regarder les quelques données principales. Capitale économique de l’Auvergne et préfecture du Puy-de-Dôme, Clermont-Ferrand compte environ 150.000 habitants. La population, élargie à l’ensemble de la destination, s’élève à plus de 430.000 habitants. L’environnement et la nature sont très présents dans l’histoire et la réalité de la destination, sous l’ombre protectrice des volcans d’Auvergne. L’UNESCO a classé la Chaîne des Puys et la faille de Limagne, le volcan du puy de Dôme est Grand Site de France, les Volcans d’Auvergne et Livradois-Forez sont des parcs naturels régionaux et le lac d’Aydat, plus grand lac naturel d’Auvergne, est un pôle d’excellence pour les activités de pleine nature.

C’est de cet environnement et de ces patrimoines qu’est née une identité spécifique, que l’on retrouve à travers la diversité des principaux sites touristiques de la destination : le Panoramique des Dômes (une voie ferrée à crémaillère de plus de 5 km permettant l’accès au sommet du puy de Dôme), le parc Vulcania (le fameux parc « Giscard »  ouvert en 2002 devenu en deux décennies un parc d’attractions de référence autour de la découverte des volcans et de la planète Terre), le Volcan de Lemptégy (qui permet de visiter l’intérieur d’un « vrai volcan »), le Musée Archéologique de la Bataille de Gergovie, et bien entendu L’Aventure Michelin (qui retrace la saga du leader mondial du pneumatique) ou l’ASM Expérience (musée interactif dédié au club de rugby auvergnat dans le stade Marcel-Michelin de Clermont). La destination compte également des sites archéologiques emblématiques au puy de Dôme, à Gergovie et Corent, six musées dont trois musées de France, ainsi que trois Petites Cités de Caractères (La Sauvetat, Saint-Saturnin et Vic-le-Comte) et une station thermale de Royat-Chamalières. Sans détailler le projet « Gergovie, Cité des Gaulois » annoncé à l’horizon 2030.

En d’autres termes, Clermont Auvergne Volcans dispose d’un capital touristique propre au « slow tourisme ». Quelques ferments ont précédé ce travail, notamment en lien avec les valeurs humaines de cette terre auvergnate. Un socle commun, si j’ose dire un sillon commun, qui fait de cette terre volcanique une terre de savoir-vivre et de bien vivre ensemble. Cette valeur humaine est inscrite dans son histoire, qui en fit une terre d’accueil discrète, mais efficace et naturelle pendant la Deuxième guerre mondiale, une terre méconnue encore aujourd’hui de Justes. Elle devint plus tard une terre d’assimilation lorsque Michelin attira une main d’œuvre ouvrière composée notamment de communautés étrangères. Les Portugais constituent par exemple la communauté étrangère la plus importante de Clermont-Ferrand. Ils sont plus de 15.000 dans l’agglomération clermontoise et près de 40.000 en Auvergne. La Terre du Milieu s’avère donc relever à la fois d’un ordre naturel et d’un ordre humain. Cette capacité d’accueil, voire d’assimilation, pourrait facilement devenir un élément d’identité territoriale qu’il reste à construire et s’inscrire dans un récit territorial. Pendant longtemps, les Clermontois n’ont pas ressenti le besoin d’en faire davantage sur le sujet. Aujourd’hui, le lien avec la commercialisation de la destination semble plus évident. Il reste à convaincre l’ensemble des acteurs de mettre en marché cette capacité d’accueil, qualité première de la destination.

Une stratégie pour prendre le temps 

 

Clermont Auvergne Volcans a souhaité travailler dans le cadre de sa nouvelle stratégie sur un positionnement qui corresponde à sa réalité territoriale. C’est ce que confirme Vincent Garnier, le directeur général de la SPL. « L’idée a été d’inscrire la stratégie dans un développement inéluctable, celui de la recomposition du rapport au temps, du temps de travail au temps des vacances. » Pour de nombreuses personnes, les vacances ne correspondent plus à une espèce, voire un espace, de fuite en avant. Le document stratégique précise cette vision. « Nous courons sans cesse après le temps et le rythme effréné de la vie moderne induit un stress quotidien. C’est pourquoi nous recherchons pour nos voyages, des destinations porteuses de sens et ressourçantes. » La destination peut l’offrir, à l’ombre des volcans, comme finalement son enclavement ferroviaire et aérien. Ce qui pourrait constituer un handicap (en dehors des questions récurrentes de pannes de matériels ou d’annulation de train) peut devenir un atout pour « la terre du milieu ». Le temps du voyage fait partie du voyage. Le positionnement marketing de Clermont Auvergne Volcans est celui d’une « destination de tourisme responsable au cœur des volcans d’Auvergne qui offre un accueil et des prestations de qualité et invite ses visiteurs à prendre le temps du séjour pour mieux se ressourcer. » Ce positionnement répond aux évolutions sociétales, « aux nouvelles aspirations, au contexte politique, aux nouvelles frontières du territoire. »

Quatre piliers structurent cette stratégie : l’hospitalité (le fameux sens de l’accueil et la convivialité généreuse et bienveillante auvergnate, qui cultive la discrétion et les petites attentions et invite à des moments de partage), la contemplation (pour prendre le temps de la découverte, d’apprécier les paysages, de savourer chaque instant de rencontre, dans une ambiance apaisée et dans le respect du rythme de chacun), la curiosité (qui nécessite un rythme plus lent sans exclure l’envie de découverte et d’exploration propre au voyage, la volonté de vivre des expériences qui diffèrent du quotidien, à travers des activités locales, uniques, participatives, authentiques) et la responsabilité (c’est-à-dire le respect des hommes et des femmes, la préservation de l’environnement, la volonté de laisser une moindre empreinte lors du voyage sont des engagements et des attitudes partagés entre Clermont Auvergne Volcans et ses hôtes). Les objectifs de cette stratégie sont d’améliorer l’image de la destination d’abord auprès des habitants (en prenant en compte des enjeux coopératifs et préventifs en travaillant sur ce dernier point sur la notion d’acceptabilité) et les non-partants en encourageant notamment l’accès à la pratique de loisirs et de vacances pour tous et en souhaitant à faire du tourisme métropolitain un facteur d’inclusion (avec le label régional H+ Destination tourisme destiné aux personnes en situation de handicap et en perte d’autonomie). Ils visent également à développer la notoriété de la destination sur le marché domestique les marchés européens (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Espagne) qui concentrent la majorité des visiteurs étrangers en termes de fréquentation et de contribuer à l’accroissement de la fréquentation touristique en cherchant à développer l’attractivité et surtout la temporalité du séjour (« prendre le temps »).

Quels imaginaires et quels récits de territoire ?

 

Un travail a été fait sur le récit auprès des habitants et des professionnels. Le cœur de l’approche a été de ne pas reproduire des récits territoriaux trop technocratiques mais d’insister sur la nécessité d’un récit littéraire qui renvoie à un imaginaire. Ce que j’avais déjà aimé avant, par exemple ce que portait la campagne Auvergne Nouveau Monde imaginée il y a près de quinze ans par Jean Pinard ou bien la superbe publication parue l’année dernière, « Patelin, l’incroyable terroir ». Pour Vincent Garnier, cela relève de « l’importance de l’imaginaire et des horizons utopiques dans le récit territorial. » Ce récit territorial est défini par un style éditorial et un parti pris narratif en privilégiant des formes écrites qui donnent un rythme, une cadence, avec une approche littéraire et la recherche d’une certaine profondeur dans le choix des mots. Une sorte de poème, comme un prétexte à décrire le territoire, conforme à ses valeurs, faisant écho à la notion de temps long, de flânerie, sans forcément tomber dans la lenteur ni l’ennui. Un récit qui raconte « Clermont Auvergne Volcans, où le temps se suspend ».

« Au fil du temps long, un paisible voyage,

À l’ombre des volcans, offre ses paysages.

Les secondes nous invitent à la contemplation

Et à la découverte, au fil des saisons.

Le temps suspendu danse avec les étoiles,

Tel une destination, sans boussoles, sans voiles.

Les instants deviennent des tableaux apaisants,

Où toujours s’entrelacent le passé, le présent.

Ici, l’âme savoure la nature en splendeur,

Les rencontres dévoilent leur authentique ferveur.

Chaque balade devient hymne à la flânerie

Éloge du temps long, propice à la rêverie. »

Prendre le temps, c’est une véritable démarche de slow tourisme. C’est un besoin nécessaire de ralentir le rythme et une volonté de mieux profiter de ce qui nous entoure, de savourer les instants passés ensemble. Cette signature est une promesse : celle de prendre le temps d’un verre, prendre le temps de contempler, prendre le temps de se retrouver. Avec pour symbole un papillon, inspiré de « l’Apollon » espèce protégée sur le site du Puy de Dôme. Un symbole éphémère et doux, incarnant l’idée de pause, de nature et de tranquillité.

La stratégie de la SPL (déjà ISO 20121) précise enfin son ambition en matière de « slow tourisme », qui passe par plusieurs actions concrètes :

  • réduire l’empreinte carbone de la SPL
  • développer une politique d’achats responsables en s’engageant à sélectionner 100% de nouveaux fournisseurs en boutique sur des critères RSE (artisans locaux/ matériaux recyclés / fabrication made in France / mise en avant d’un savoir-faire local…).
  • l’envoi d’infolettres et créations de contenus sur le site Internet à destination des locaux non partants pour mettre en valeur les possibilités de staycation (vacances à la maison) et inciter à découvrir ou redécouvrir son lieu de vie.
  • créer des contenus cohérents avec les attentes grandissantes des visiteurs en termes de responsabilité : « Séjour à bas impact carbone », « Vivre des aventures à deux pas de chez soi », etc.
  • enrichir les contenus déjà existants : « Clermont sans ma voiture » ; « Nos offres accessibles à tous » pour montrer la richesse de l’offre et l’implication de la SPL dans le domaine de l’inclusion et de la durabilité.
  • une page « Clermont petit budget » est afin de proposer une offre à tous les publics toujours dans un but d’inclusion.

Prochain article : le 6 mai 2025

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